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Liberty Bar - Simenon

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Quant à Maigret, il pouvait à peine se contenir. Il se levait. Il marchait de long en large. Il grommelait :

— Il faudra bien que…

Cette statue le mettait en rage. Une fois, deux fois, trois fois, il passa près de Sylvie toujours figée.

— J’ai le temps… Mais…

À la quatrième fois, il n’y tint plus. Ce fut machinal. Sa main saisit l’épaule de la jeune femme et il ne se rendit pas compte de la puissance de l’étreinte.

Elle leva un bras qu’elle tint devant son visage, comme une petite fille qui craint d’être battue.

— Eh bien ?…

Elle céda, sous la douleur. Elle cria, tout en éclatant en sanglots :

— Brute !… Sale brute !… Je ne dirai rien… Rien !… Rien !…

Jaja en était malade. Maigret, le front têtu, se laissait tomber sur sa chaise. Et Sylvie continuait à pleurer sans se cacher la figure, sans s’essuyer les yeux, à pleurer de rage plutôt que de douleur.

— … Rien !… lâchait-elle encore machinalement entre deux sanglots.

La porte du bar s’ouvrait, ce qui n’arrivait pas deux fois par jour ; un client s’accoudait au comptoir de zinc, tournait la manivelle de la machine à sous.

VII

La consigne

Maigret se leva avec impatience et, pour éviter il ne savait quelle manœuvre des deux femmes – le client pouvait être, par exemple, un émissaire de Joseph ! – il préféra pénétrer lui-même dans le bar.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

L’autre fut si désemparé que, malgré sa mauvaise humeur, le commissaire faillit éclater de rire. C’était un bonhomme terne, entre deux âges, aux poils gris, qui avait dû raser les murs pour arriver jusque-là en faisant des rêves d’un érotisme échevelé. Or, c’était Maigret qui surgissait, bourru, derrière le comptoir !

— Un bock… balbutia-t-il en lâchant la manette de l’appareil à sous.

Derrière les rideaux, le commissaire voyait les deux femmes se rapprocher l’une de l’autre. Jaja questionnait. Sylvie répondait avec lassitude.

— Il n’y a pas de bière !

Du moins, Maigret n’en apercevait-il pas à portée de sa main !

— Alors, ce que vous voudrez… Un porto…

On lui versa un liquide quelconque, dans le premier verre venu, et il ne fit qu’y tremper les lèvres.

— Combien ?

— Deux francs !

Maigret regardait tour à tour la ruelle encore chaude de soleil, le petit bar d’en face où il devinait des silhouettes mouvantes, l’arrière-boutique où Jaja reprenait sa place.

Le client s’en allait en se demandant dans quelle maison il était tombé et Maigret regagnait la seconde pièce, prenait place sur sa chaise, à califourchon.

L’attitude de Jaja avait quelque peu changé. Tout à l’heure, elle était surtout inquiète et l’on devinait qu’elle ne savait que penser. Maintenant, son inquiétude était précise. Elle réfléchissait en regardant Sylvie, avec à la fois de la pitié et une pointe de rancune. Elle semblait dire : « C’est malin de s’être mise dans une situation pareille ! Et cela ne va pas être simple, maintenant, de s’en tirer ! »

Elle risqua à voix haute :

— Vous savez, monsieur le commissaire… les hommes sont si étranges…

La conviction manquait. Elle le sentait. Sylvie aussi, qui haussa les épaules.

— Il l’a vue ce matin à l’enterrement et il en aura eu envie… Il est si riche que…

Maigret soupira, alluma une nouvelle pipe et laissa son regard errer vers le soupirail.

L’atmosphère était lugubre. Jaja se décidait au silence par crainte d’empirer les choses. Sylvie ne pleurait pas, ne bougeait plus, attendait on ne savait quoi.

Il n’y avait que le petit réveille-matin à poursuivre sa vie laborieuse et à pousser sur le cadran blême les aiguilles noires qui semblaient trop lourdes pour lui.

— Tic tac, tic tac, tic tac…

À certains moments, c’était un véritable vacarme. Un chat blanc, dans la cour, vint s’asseoir juste devant le soupirail.

— Tic tac, tic tac, tic tac…

Jaja, qui n’était pas faite pour le drame, se leva et alla prendre une bouteille d’alcool dans l’armoire. Comme si rien n’était, elle en remplit trois verres, en poussa un devant Maigret, l’autre devant Sylvie, mais sans mot dire.

Les vingt mille francs étaient toujours sur la table, à côté du sac à main.

— Tic tac, tic…

Cela dura une heure et demie ! Une heure et demie de silence, avec seulement les soupirs de Jaja qui buvait et dont les yeux devenaient luisants.

Parfois des gamins jouaient et criaient dans la ruelle. D’autres fois, on entendait la sonnerie obstinée d’un tramway lointain. La porte du bar s’ouvrit. Un Arabe passa la tête dans l’entrebâillement, cria :

— Cacahuètes ?

Il attendit un moment et, ne recevant pas de réponse, referma la porte et disparut.

Il était six heures quand la porte s’ouvrit à nouveau, et cette fois il y eut dans l’arrière-boutique comme une vibration qui annonçait que c’était l’événement attendu. Jaja faillit se lever pour courir vers le bar, mais un regard de Maigret la retint. Sylvie, pour marquer son indifférence, détourna la tête.

La seconde porte s’ouvrait. Joseph entrait, voyait d’abord le dos de Maigret, puis la table, les verres, la bouteille, le sac à main ouvert, les billets.

Le commissaire se retournait lentement, et le nouveau venu, immobile, se contenta de grommeler :

— Merde !

— Fermez la porte… Asseyez-vous…

Le garçon de café ferma la porte mais ne s’assit pas. Il avait les sourcils froncés, l’air contrarié, mais il ne perdait pas son sang-froid. Au contraire ! Il le reprenait. Il s’approchait de Jaja et l’embrassait au front.

— Bonjour…

Puis il en faisait autant avec Sylvie, qui ne leva pas la tête.

— Qu’est-ce qu’il y a ?…

Dès ce moment-là, Maigret comprit qu’il tenait le mauvais bout. Mais, comme toujours en pareil cas, il s’obstina d’autant plus qu’il sentait qu’il s’enferrait davantage.

— D’où venez-vous ?

— Devinez !

Et il tira un portefeuille de sa poche, y chercha un petit carnet qu’il tendit à Maigret. C’était un carnet d’identité, du modèle qu’on délivre aux étrangers résidant en France.

— J’étais en retard… Je suis allé le renouveler à la Préfecture…

Le carnet portait en effet la date du jour, le nom : Joseph Ambrosini, né à Milan, exerçant la profession d’employé d’hôtel.

— Vous n’avez pas rencontré Harry Brown ?

— Moi ?

— Et vous ne l’avez pas rencontré une première fois mardi ou mercredi dernier ?

Joseph le regardait en souriant, avec l’air de dire : « Qu’est-ce que vous racontez ? »

— Dites donc, Ambrosini ! Je suppose que vous avouez que vous êtes l’amant de Sylvie…

— C’est à voir ce que vous entendez par là… Il m’est arrivé, mon Dieu…

— Mais non ! Mais non ! Vous êtes ce que l’on appelle par euphémisme son protecteur…

Pauvre Jaja ! Elle n’avait jamais été aussi malheureuse de sa vie. L’alcool qu’elle avait bu devait déformer sa vision des choses. De temps en temps, elle ouvrait la bouche pour intervenir en conciliatrice et l’on devinait qu’elle avait envie de dire : « Allons, mes enfants ! Mettez-vous d’accord ! Est-ce que c’est vraiment la peine de se donner tout ce mal ? On va trinquer ensemble et… »

Quant à Joseph, il était évident que ce n’était pas son premier match avec la police. Il était sur ses gardes. Son sang-froid était parfait, sans ostentation.

— Vos renseignements sont faux…

— Si bien que vous ignorez ce que représentent ces vingt mille francs ?

— Je suppose que Sylvie les a gagnés… Elle est assez belle fille pour…

— Suffit !

Il était à nouveau debout. Il arpentait la petite pièce. Sylvie regardait à ses pieds. Joseph, lui, ne baissait pas les yeux.

— Tu prendras bien un petit verre ! lui dit Jaja, pour qui c’était l’occasion de se verser à boire.

Et Maigret hésitait à se décider. Il s’arrêta un long moment devant le réveille-matin qui marquait six heures et quart. Quand il se retourna, ce fut pour articuler :

— Eh bien ! vous allez me suivre tous les deux… Je vous arrête !…

Ambrosini ne tressaillit même pas, se contenta de murmurer avec un rien d’ironie :

— Comme vous voudrez !

Le commissaire mettait les vingt billets de mille francs dans sa poche, tendait à Sylvie son chapeau et son sac.

— Est-ce que je vous passe les menottes ou bien me donnez-vous votre parole de…

— On ne vous faussera pas compagnie, allez !

Jaja sanglotait dans les bras de Sylvie. Celle-ci essayait de se débarrasser de cette étreinte. Et l’on eut toutes les peines du monde à empêcher la grosse femme de suivre le groupe dans la rue.

Les lampes s’allumaient. C’était à nouveau l’heure molle. On passa près de la rue où se dressait l’Hôtel Beauséjour. Mais Joseph n’eut pas un regard dans cette direction.

À la police, l’équipe de jour s’en allait. Le secrétaire se hâtait de faire signer les pièces au commissaire.

— Vous m’enfermerez ces deux personnages séparément… Je viendrai sans doute les voir demain…

Sylvie s’était assise sur le banc, au fond du bureau.

Joseph roulait une cigarette qu’un agent en uniforme lui arracha des mains.

Et Maigret s’en alla sans rien dire, se retourna une fois encore vers Sylvie, qui ne le regardait pas, haussa les épaules et grogna :

— Tant pis !

Calé sur une banquette de l’autocar, il ne remarqua même pas que celui-ci était bondé et qu’une vieille dame restait debout à côté de lui. Tourné vers la vitre, suivant du regard les phares des autos qui défilaient, il fumait rageusement, et la vieille dame dut se pencher, murmurer :

— Pardon, monsieur…

Il eut l’air de sortir d’un rêve. Il se leva précipitamment, ne sut où jeter ses cendres brûlantes, donna un tel spectacle de désarroi qu’un jeune couple, derrière lui, pouffa de rire.

À sept heures et demie, il poussait la porte tournante du Provençal, trouvait l’inspecteur Boutigues installé dans un fauteuil du hall où il conversait avec le gérant.

— Eh bien ?

— Il est là-haut… répliqua Boutigues, qui paraissait troublé.

— Vous lui avez dit…

— Oui… Il ne s’est pas étonné… Je m’attendais à des protestations…

Le gérant attendait le moment de poser une question, mais, dès qu’il ouvrit la bouche, Maigret se hâta vers l’ascenseur.

— Je vous attends ? lui cria Boutigues.

— Si vous voulez…

Il connaissait si bien l’état d’esprit dans lequel il se trouvait depuis deux ou trois heures ! Et il enrageait, comme il enrageait toujours dans ces cas-là ! Ce qui ne l’empêchait pas d’être incapable de réagir…

La sensation confuse de la gaffe… Cette sensation, il l’avait depuis sa rencontre avec Sylvie, à la porte de l’hôtel…

Et pourtant quelque chose le poussait à aller de l’avant !

Pis encore ! Il fonçait d’autant plus fougueusement qu’il voulait se persuader à lui-même qu’il avait raison !

L’ascenseur montait, dans un glissement d’acier bien graissé. Et Maigret se répétait la consigne reçue :

— Surtout pas d’histoires !

C’était pour cela qu’il était à Antibes ! Pour éviter les histoires, le scandale !

À d’autres moments, il serait entré dans l’appartement de Brown sans sa pipe. Il l’alluma exprès. Il frappa. Il entra aussitôt. Et il se trouva dans la même atmosphère exactement que la veille :

Brown qui allait et venait, impeccable, en donnant des ordres à son secrétaire, en répondant au téléphone et en achevant de dicter un câble pour Sydney.

— Vous permettez un instant ?

Pas trace d’anxiété ! Cet homme-là était à son aise dans toutes les circonstances de la vie ! Est-ce qu’il avait bronché, le matin, alors qu’il conduisait le deuil de son père dans des conditions si extraordinaires ? Est-ce que la présence des quatre femmes l’avait démonté le moins du monde ?

Et l’après-midi, au sortir de l’hôtel borgne, il ne s’était pas troublé ! Il n’avait pas eu une seconde d’hésitation !

Il continuait à dicter. En même temps, il posait une boîte de cigares sur le guéridon qui était en face de Maigret, pressait le timbre électrique.

— Vous emporterez le téléphone dans ma chambre, James.

Et, au maître d’hôtel qui se présentait :

— Un whisky !

Quelle part y avait-il de pose et quelle part de naturel dans cette attitude ?

« Affaire d’éducation ! songeait Maigret. Il a dû être élevé à Oxford ou à Cambridge… » Et c’était une vieille rancune d’élève de Stanislas ! Une rancune mêlée d’admiration !

— Vous emporterez votre machine, mademoiselle.

Eh bien ! non ! Brown voyait la dactylo embarrassée de son bloc-notes et de ses crayons. Et il prenait lui-même la lourde machine à écrire, la transportait dans la chambre voisine, fermait la porte à clé.

Puis il attendait que le maître d’hôtel eût apporté le whisky, désignait Maigret à qui l’on servait de l’alcool.

Quand ils furent en tête à tête seulement, il tira son portefeuille de sa poche, y prit une feuille de papier timbré sur laquelle il jeta un coup d’œil avant de la tendre au commissaire.

— Lisez… Vous comprenez l’anglais ?…

— Assez mal.

— C’est le papier que j’ai acheté vingt mille francs, cet après-midi, à l’Hôtel Beauséjour.

Il s’assit. Ce geste était comme une détente.

— Je dois d’abord vous expliquer quelques petites choses… Vous connaissez l’Australie ?… C’est dommage… Mon père, avant son mariage, possédait une très grande propriété… Grande comme un département français. Après son mariage, il était le plus gros éleveur de moutons australiens, parce que ma mère avait apporté en dot une propriété presque aussi importante…

Harry Brown parlait lentement, s’ingéniait à ne pas prononcer de paroles inutiles, à être clair.

— Vous êtes protestant ? questionna Maigret.

— Toute la famille. Et celle de ma mère aussi !

Il allait reprendre. Maigret l’interrompit.

— Votre père n’a pas fait ses études en Europe, n’est-ce pas ?

— Non ! Ce n’était pas encore la mode… Il est venu seulement après son mariage… Cinq ans après, quand il avait déjà trois enfants…

Tant pis si Maigret se trompait ! Dans son esprit, il mettait tout cela en images. Il traçait à grands traits une maison immense, mais sévère, au milieu des terres. Et des gens graves ressemblant à des pasteurs presbytériens.

William Brown qui prenait la succession de son père, se mariait, faisait des enfants et ne s’occupait que de ses affaires…

— Un jour il a dû venir en Europe, à cause d’un procès…

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Сергій
Сергій 25.01.2024 - 17:17
"Убийство миссис Спэнлоу" от Агаты Кристи – это великолепный детектив, который завораживает с первой страницы и держит в напряжении до последнего момента. Кристи, как всегда, мастерски строит