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Liberty Bar - Simenon

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Le même William en Europe… Les digues qui cédaient soudain… Il ne pouvait plus se contenir… Tout l’affolait, toutes les possibilités qui s’offraient à lui…

Et il devenait un familier de ce boulevard qui s’étend de Cannes à Menton… Yacht à Cannes… Parties de baccara à Nice… Et tout !… Et une paresse incommensurable à l’idée de retournerlà-bas…

— Le mois prochain…

Et le mois suivant c’était la même chose !

Alors, on lui coupait les vivres. Le beau-frère veillait ! Tous les Brown, et les tenants et aboutissants des Brown, se défendaient !

Lui était incapable de quitter son boulevard, la molle atmosphère de la Côte, son indulgence, sa facilité…

Plus de yacht. Une petite villa…

Dans le domaine des femmes, il descendait aussi de quelques degrés, en arrivait à Gina Martini…

Un dégoût… Un besoin de désordre, de veulerie… La villa du cap d’Antibes étant encore trop bourgeoise…

Il dénichait le Liberty-Bar… Jaja… Sylvie…

Et il continuait le procès, là-bas, contre tous les Brown restés sages, pour les faire enrager… Il s’assurait par un testament qu’ils enrageraient encore après sa mort…

Qu’il eût tort ou raison, cela ne regardait pas Maigret. Et pourtant le commissaire ne pouvait s’empêcher de comparer le père au fils, à Harry Brown, correct, maître de lui, qui, lui, avait su faire la part des choses.

Harry n’aimait pas le désordre ! Harry avait quand même de troubles besoins.

Et il installait une maîtresse au cap Ferrat… Une maîtresse comme il faut, sachant vivre, veuve ou divorcée, discrète…

Même à l’hôtel où il descendait, on ne devait pas savoir qu’il avait découché !

Ordre… Désordre… Ordre… Désordre…

Maigret était l’arbitre, puisqu’il avait le fameux testament dans sa poche !

Il pouvait lâcher tout à l’heure quatre femmes dans la lice !

Quelque chose d’inouï, de haut en couleur que cette arrivée, là-bas, des quatre femmes de William Brown ! Jaja et ses pieds sensibles, ses chevilles enflées, ses seins fatigués… Sylvie qui, dans l’intimité, ne pouvait supporter qu’un peignoir sur son corps maigre…

Puis la vieille Martini et ses joues couvertes d’écailles de fard ! La jeune et son odeur de musc qui devenait comme une odeur sui generis.

On roulait le long du fameux boulevard. On apercevait les lumières de Cannes.

— Pas d’histoires !

Le taxi s’arrêtait en face des Ambassadeurs, et le chauffeur questionnait :

— Où dois-je vous conduire ?

— Nulle part ! Ça va !

Maigret paya. Le Casino était illuminé. Quelques voitures de maître arrivaient, car il était près de neuf heures du soir.

Et douze casinos s’illuminaient de même entre Cannes et Menton ! Et des centaines d’autos de luxe…

Maigret gagna à pied la ruelle, où il constata que le Liberty-Bar était fermé. Pas de lumière. Rien que la lueur d’un réverbère qui, à travers les vitres de la devanture, jetait une lueur trouble sur le zinc de la machine à sous.

Il frappa. Il fut étonné du vacarme que ses coups déclenchaient dans la ruelle. L’instant d’après, une porte s’ouvrait derrière lui : celle du bar d’en face. Le garçon interpellait Maigret.

— C’est pour Jaja ?

— Oui.

— De la part de qui ?

— Du commissaire.

— Dans ce cas, j’ai une commission pour vous… Jaja reviendra dans quelques minutes… Elle m’a prié de vous dire de l’attendre… Si vous voulez entrer ici…

— Merci.

Il préférait faire les cent pas. Dans le bar d’en face, il y avait quelques clients qui marquaient plus ou moins mal. Une fenêtre s’ouvrit quelque part. Une femme, qui avait entendu du bruit, questionna timidement :

— C’est toi, Jean ?

— Non !

Et Maigret, en arpentant la ruelle de long en large, se répétait :

— Avant tout, il faut savoir qui a tué William !

Dix heures… Jaja qui n’arrivait pas… Chaque fois qu’il entendait des pas… Maigret tressaillait, espérait que son attente était finie… Mais ce n’était pas elle…

Pour horizon, cinquante mètres d’une ruelle mal pavée, large de deux mètres ; la vitrine éclairée d’un bar ; l’autre bar stagnant dans l’ombre…

Et de vieilles maisons mal d’aplomb, des fenêtres qui n’étaient même plus rectangulaires !

Maigret entra dans le bar d’en face.

— Elle ne vous a pas dit où elle allait ?

— Non ! Vous ne voulez pas prendre quelque chose ?

Et les consommateurs, à qui l’on avait dit qui il était, le regardaient des pieds à la tête !

— Merci !

Il marchait à nouveau, jusqu’au coin de la rue, frontière entre le monde honteux et les quais bien éclairés, animés d’une vie normale.

Dix heures et demie… Onze heures… Le premier café du coin s’intitulait Harry’s-Bar. C’est de là que Maigret avait téléphoné l’après-midi en compagnie de Sylvie. Il entra, se dirigea vers la cabine.

— Vous me donnerez la permanence de police… Allô !… Police !… Ici, commissaire Maigret… Les deux oiseaux que je vous ai remis tout à l’heure n’ont pas reçu de visite ?

— Si… Une grosse femme…

— Qui a-t-elle vu ?

— D’abord la femme… Puis l’homme… Nous ne savions pas… Vous n’aviez pas laissé d’instructions.

— Il y a combien de temps de cela ?

— Une bonne heure et demie… Elle a apporté des cigarettes et des gâteaux…

Maigret raccrocha nerveusement. Puis, sans reprendre haleine, il demanda le Provençal.

— Allô… Ici, police… Oui, le commissaire que vous avez vu tout à l’heure… Voulez-vous me dire si M. Harry Brown a reçu une visite ?

— Il y a un quart d’heure… Une femme… Assez mal habillée…

— Où était-il ?

— Il dînait, dans la salle à manger… Il l’a fait monter dans sa chambre…

— Elle est partie ?

— Elle descendait au moment où vous avez sonné.

— Très grosse, n’est-ce pas ? Très vulgaire ?

— C’est cela.

— Elle avait un taxi ?

— Non… Elle est partie à pied…

Maigret raccrocha, s’assit dans le bar, et commanda une choucroute et de la bière.

— Jaja a vu Sylvie et Joseph… On lui a donné une commission pour Harry Brown… Elle revient en autocar, si bien qu’elle en a pour une demi-heure…

Il mangea en lisant un journal qui traînait sur une table. On annonçait le suicide de deux amants, à Bandol. L’homme était marié, en Tchécoslovaquie.

— Vous prendrez un légume ?

— Merci ! Qu’est-ce que je vous dois ?… Attendez !… Encore un demi… brune…

Et cinq minutes plus tard il se promenait à nouveau dans la ruelle, à proximité de la vitrine sombre du Liberty-Bar.

Le rideau devait être levé au Casino. Soirée de gala. Opéra. Danses. Souper. Dancing. Boule et baccara…

Et tout le long des soixante kilomètres ! Des centaines de femmes guettant les soupeurs. Des centaines de croupiers guettant les joueurs ! Et des centaines de gigolos, danseurs, garçons de café, guettant les femmes…

Des centaines encore d’hommes d’affaires, comme M. Petitfils, avec leur liste de villas à vendre ou à louer, guettant les hivernants…

De loin en loin, à Cannes, à Nice, à Monte-Carlo, un quartier plus mal éclairé que les autres, des ruelles, de drôles de bicoques, des ombres se faufilant le long des murs, des vieilles femmes et des jeunes, des machines à sous et des arrière-boutiques…

La lie…

Jaja n’arrivait pas ! Dix fois Maigret tressaillit en entendant des pas. À la fin, il n’osait plus passer devant le bar d’en face, dont le garçon le regardait avec ironie.

Pendant ce temps, il y avait des milliers, des dizaines de milliers de moutons qui broutaient l’herbe des Brown, sur les terrains des Brown, gardés par des valets des Brown… Des dizaines de milliers de moutons qu’on était peut-être en train de tondre – car aux Antipodes il devait faire grand jour – pour charger des wagons de laine, puis des cargos de laine… Et des marins, des officiers, des capitaines… Et tous les bateaux qui s’en venaient vers l’Europe, les officiers qui vérifiaient les thermomètres (pour s’assurer que la température était favorable au chargement), et les courtiers, à Amsterdam, à Londres, à Liverpool, au Havre, qui discutaient des cours…

Et Harry Brown, au Provençal, qui recevait des câbles de ses frères, de son oncle, et qui envoyait des coups de téléphone à ses agents…

En lisant le journal, tout à l’heure, Maigret avait lu : « Le commandeur des Croyants, chef de l’Islam, a marié sa fille au prince… »

Et l’on ajoutait : « De grandes fêtes ont eu lieu aux Indes, en Perse, en Afghanistan, en… »

Puis encore : « Un grand dîner a été donné à Nice, au Palais de la Méditerranée, où l’on remarquait… »

La fille du grand prêtre qui se mariait à Nice… Une noce sur le boulevard de soixante et quelques kilomètres… Et là-bas, au diable, des centaines de milliers de gens qui…

Mais Jaja n’arrivait toujours pas ! Maigret connaissait tous les pavés, toutes les façades de la ruelle. Une petite fille aux cheveux en tresses faisait ses devoirs près d’une fenêtre.

Est-ce que l’autocar avait eu un accident ? Est-ce que Jaja devait aller ailleurs ? Est-ce qu’elle était en fuite ?

Derrière la vitre du bar, Maigret aperçut, en y collant le front, le chat qui se léchait les pattes. Et toujours des réminiscences de journaux : On mande de la Côte d’Azur que S. M. le roi de… est arrivée dans sa propriété du cap Ferrat, accompagnée de…

On annonce de Nice l’arrestation de M. Graphopoulos, qui a été interpellé au moment où, dans une salle de baccara, il venait de gagner cinq cents et quelques mille francs en se servant d’un sabot truqué…

Puis une petite phrase :

Le sous-directeur de la police des jeux est compromis.

Parbleu ! Si un William Brown cédait, est-ce qu’un pauvre bougre à deux mille francs par mois était obligé d’être un héros ?

Maigret était furieux. Il en avait assez d’attendre ! Il en avait surtout assez de cette atmosphère qui jurait avec son tempérament.

Pourquoi l’avait-on envoyé ici avec une consigne aussi ridicule que : « Surtout pas d’histoires ! »

Pas d’histoires ?… et s’il lui plaisait de sortir le testament, un vrai testament, irréfutable ?… Et d’envoyer les quatre femmes là-bas ?…

Des pas… Il ne se retourna même plus !… Quelques instants plus tard, une clé tournait dans une serrure, une voix malade soupirait :

— Vous étiez là ?

C’était Jaja. Une Jaja fatiguée, dont la main tremblait en tenant la clé. Une Jaja en grande tenue, manteau mauve et souliers rouge sang-de-bœuf.

— Entrez… Attendez… Je vais allumer…

Le chat ronronnait déjà en se frottant à ses jambes hydropiques. Elle cherchait le commutateur.

— Quand je pense à cette pauvre Sylvie…

Enfin ! Elle avait déclenché la lumière. On y voyait. Le garçon de café d’en face avait sa vilaine tête collée à ses vitres.

— Entrez, je vous en prie… Je n’en peux plus… Toutes ces émotions…

Et la porte de l’arrière-boutique s’ouvrait. Jaja marchait droit vers le feu qui était rouge, fermait à demi la clé, changeait une casserole de place.

— Asseyez-vous, monsieur le commissaire… Le temps de me déshabiller et je suis à vous…

Elle ne l’avait pas encore regardé en face. Le dos tourné à Maigret, elle répétait :

— Cette pauvre Sylvie…

Et elle gravissait l’escalier de l’entresol, continuait à parler tout en se déshabillant, la voix un peu plus haute :

— Une bonne petite fille… Si elle avait voulu. Mais ce sont toujours celles-là qui paient pour les autres… Je le lui avais bien dit…

Maigret s’était assis devant la table, où il y avait des restes de fromage, de pâté de tête, de sardines.

Il entendait, au-dessus de sa tête, le bruit des souliers que Jaja enlevait, des pantoufles qu’elle attirait vers elle.

Puis la gigue qu’elle dansait pour enlever son pantalon, sans s’asseoir.

IX

Bavardages

— Avec toutes ces émotions-là, j’ai les pieds qui vont encore enfler…

Jaja avait cessé un moment d’aller et venir. Elle s’était assise. Et, chaussures enlevées, elle passait ses mains sur ses pieds endoloris, d’un geste machinal, tout en parlant.

Elle parlait fort, parce qu’elle imaginait Maigret en bas, et elle fut tout étonnée de le voir paraître au-dessus de l’escalier.

— Vous étiez là ?… Ne faites pas attention au désordre… Depuis qu’il se passe toutes ces choses…

Maigret aurait été bien en peine de dire pourquoi il était monté. Ou plutôt, tout en écoutant sa compagne, il avait pensé soudain qu’il ne connaissait pas encore l’entresol.

Maintenant, il s’était arrêté au sommet de l’escalier. Jaja continuait à se caresser les pieds, et elle parlait toujours, avec une volubilité croissante.

— Est-ce que seulement j’ai dîné ?… Je ne crois pas… Ce que cela a pu me retourner de voir Sylvie là-bas !…

Elle avait passé un peignoir, elle aussi, mais sur son linge qui était d’un rose vif. Du linge très court, orné de dentelles, qui faisait contraste avec sa chair trop grasse et trop blanche.

Le lit n’était pas fait. Maigret pensa que si on le voyait à ce moment, il ferait difficilement croire qu’il n’était là que pour causer.

Une chambre quelconque, moins pauvre qu’on aurait pu le penser. Un lit d’acajou, très bourgeois. Une table ronde. Une commode. Par contre, le seau de toilette était au milieu de la pièce, et la table était encombrée de fards, de serviettes sales, de pots de crème.

Jaja soupirait en mettant enfin ses pantoufles.

— Je me demande comment tout cela finira !

— C’est ici que William donnait quand…

— Je n’ai que cette pièce, et les deux du bas…

Dans un coin, il y avait un divan au velours usé.

— Il couchait sur le divan ?

— Cela dépendait… Ou bien c’était moi…

— Et Sylvie ?

— Avec moi…

La chambre était si basse de plafond que Maigret touchait celui-ci de son chapeau. La fenêtre était étroite, ornée d’un rideau de velours vert. La lampe électrique n’avait pas d’abat-jour.

Il ne fallait pas un grand effort d’imagination pour évoquer la vie habituelle de cette pièce ; William et Jaja qui montaient, presque toujours ivres, puis Sylvie qui rentrait et se glissait près de la grosse femme…

Mais les réveils ?… Avec la lumière vive du dehors…

Jaja n’avait jamais été aussi bavarde. Elle parlait d’une voix dolente, comme si elle espérait se faire plaindre.

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Вася
Вася 24.11.2024 - 19:04
Прекрасное описание анального секса
Сергій
Сергій 25.01.2024 - 17:17
"Убийство миссис Спэнлоу" от Агаты Кристи – это великолепный детектив, который завораживает с первой страницы и держит в напряжении до последнего момента. Кристи, как всегда, мастерски строит