Избранные письма. 1854–1891 - Константин Николаевич Леонтьев
Шрифт:
Интервал:
Закладка:
Ваш К. Леонтьев.
Вы поймите одно, что прогресс просто глуп и неостер. Это главное. Это убийственный mauvais… genre…[14]
Впервые опубликовано в книге: Архимандрит Киприан. Из неизданных писем Константина Леонтьева. Париж, 1959. С.14, 15.
1 о. Халки – остров в окрестностях Константинополя.
2 Пера — европейская часть Константинополя.
3 Вестник — журнал «Русский вестник», где печатались произведения Леонтьева.
4 Петр Николаевич Стремоухов (?–1885) – дипломат, директор Азиатского департамента Министерства иностранных дел. По его протекции Леонтьев (через своего брата В. Н. Леонтьева) был принят на дипломатическую службу.
5 Катаризм – то же, что пуризм, т. е. излишняя строгость в соблюдении правил.
41. Е. А. Ону
до мая 1873 г.
Madame, ma très chère et bonne amie! С'est aveс le plus grand regret que j'apprends que vous êtes toujours souffrante et alitée… Dites moi seulement que vous ferez une exception pour moi; que vous me recevrez dans votre chambre à coucher et j'abandonnerai mes occupations pour venir vous voir. Souvenez vous de ce que je suis médecin, si vous ne voulez pas vous souvenir de ce que je suis pour vous un ami plus sincère et plus dévoué, que toutes ces femelles que vous recevez, sans doute, sans façon…
En attendant votre reponce verbale (qui me suffit) je peux me permettre de vous parler un peu sérieusement.
Écoutez, vous êtes souffrante. Souvenez-vous des signes de croix que vous avez faits lorsque vos chevaux furent un peu trop fringants lors de notre promenade de voiture? Eh bien? Je trouve qu'à ce moment vous aviez bien plus d'esprit que lorsque vous vous aplatissez ignominieusement devant le réalisme.
Croyez-moi, il y avait un temps où ne pas croire à Dieu, pouvait véritablement être une espèce de prévue de haute intelligence; (égarée ou non, mais haute)… La sciense était nouvelle, elle était jeune alors, elle promettait beaucoup… Qu'a-t-elle tenu? Que nous a-t-elle donné, excepté des sujets pour satisfaire notre curiosité, sujets très attrayants, mais au fond fort vains?
Toute cette fameuse science n'est qu'un éclatant mirage entre deux abîmes sans fond, entre les premières hypôtheses, les mystères improuvables des pseudo-fondements scientifiques et entre l'abîme sans limites du futur, de toute espèce de futur, de l'avenir personnel et de l'avenir du genre humain.
Toutes ces sciences, nommées supérieures par cette école positive que professe la racaille contemporaine, sont fondées sur la physique et la chimie. Eh bien, sur quoi sont assises à leur tour ces deux sciences fondamentales? Sur le système (sur le mystère) des atomes que personne n'a vu et ne peut jamais voir d'après l'idée de la science elle même. L'atome n'a pas de dimension; c'est donc un zéro. Un zéro multiplié par mille zéros peut il donner une quantité positive? Un rien, une abstraction, une invention toute métaphysique des savants… cet atome (multi-pliez-le tant qu'il vous plait) – comment peut-il produire des corps étendus, palpables, visibles, immenses quelquefois?
Pourquoi, ma très chère amie, serait-ce un mystère moins mystérieux que le dogme de la S. Trinité, du péché originel et de la Rédemption?
Il y a une différence cependant entre les deux mystères… Le prêtre avoue que la Trinité est une mystère, il s'incline et vous propose sincèrement d'y croire… Le professeur assure que les atomes sont une vérité réelle. «]e sais!», vous dit-il. Lequel des deux est plus honnête ou plus conséquent? Votre bonne petite tête genevoise n'a pas besoin de tout le développement pour le reste. Voilà l'abîme des fondements…
Quant à l'abîme du présent (que'au fond n'existe pas et qui n'est qu'une intersection impalpable du passé immobile et irrémédiable et du futur inconnu…), disons donc quant à l'abîme du moment qui va suivre… La science qu'a-t-elle fait de positif pour ce présent et cet avenir? Rien que des promesses de bien-être que personne ne peut…
Ainsi donc une foi, une croyance à l'inconnu, à l'eudémonisme enfin privé et publique. Un mystère pour commencer, beaucoup de fracas et de clinquants avec beaucoup de prose au milieu, – et une croyance à l'inconnu comme but final… Je ne vois pas que cela soit plus logique que le Christianisme. Non! On a plus d'esprit lorsqu'on prie Dieu que lorsqu'on admire un laquais comme celui que je ne veux pas nommer dans cette lettre sérieuse.
Chère Madame Onou! Croyez-moi – devenez chrétienne et vous serez rétablie.
Lorsque je vous dis chrétienne, je veux dire orthodoxe sans doute. Vous êtes trop savante et trop pensante pour ne pas savoir vous-même qu'un moine comme Luther qui a jeté son froc aux orties et qui a très illogiquement inventé une nouvelle religion, n'était pas conséquent. Pensez-y vous même. Souvenez vous bien de vos lectures, de toute votre connaissance à vous…
Appelez tout doucement le père Smaragde. Les détails lui sont plus familiers qu'à moi. Et puis un essai… Madame, qui sait?.. Que perdrez vous en tout cas, si rien y est? Rien. Que gagnez-vous, si vous êtes dans l'erreur? Tout… Pour votre prompt rétablissement, je vous réponds… J'y crois, j'y crois! Je le sais. Et voilà pourquoi.
Je vous envoie une image de la Sainte Vierge «Утоли моя печали». Je vous envoie aussi une petite livre «Акафист Божей Матери Утоли моя печали» qu'un pauvre ermite du Mont Athos m'a donné en me rencontrant par hasard sur la route. Il me l'a donné en me voyant malade et abattu. Depuis lors je l'ai eu toujours sous mon chevet et je ne m'endors jamais sans lire au moins un passage de ce petit livre.
Je ne vous fait pas présent de cette image; pour le moment c'est impossible; croyez-moi que ce n'est que pour une personne d'élite comme vous que j'ai le courage de m'en séparer pour quelque temps. Écoutez-moi, écoutez-moi, je vous dis. Pendez cette image devant vous pour qu'elle soit toujours à la portée de vos regards. Faites un effort sur vous pour