Если душа родилась крылатой - Марина Цветаева
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Chanson
Hier encore il me regardait dans les yeux,Aujourd’hui — il louche pluto t de co teґ!Hier encore il restait jusqu’au chant des oiseaux —Aujourd’hui — toute alouette — corbeau!Moi, la sottise, mais toi, l’intelligence,La vie, et moi l’inertie.Et ce cri des femmes de tous les temps:«Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»Et les larmes pour elle — de l’eau et du sang —De l’eau — dans le sang, dans les larmes elle se lave!Pas une me`re, une mara tre — l’Amour:N’attendez de lui ni justice ni pitieґ.Les navires enle`vent les amants,La route blanche les entrane…Et ce geґmissement vaut pour toute la terre:«Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»Hier encore — coucheґ a` mes pieds!Il me comparait a` l’empire de Chine!Soudain ses deux mains se sont eґcarteґes, —Ma vie est tombeґe — comme un sou rouilleґ!Comme une infanticide devant les jugesJe suis la` debout — mal aimeґe, sans deґfense.Je te le dirais me me en enfer:«Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»J’interroge la chaise, j’interroge le lit:«Pour quoi, ce que j’endure, pour quoi cettedeґtresse?»«Finis les baisers — vient la torture:A d’autres les baisers», — reґpondent-ils.A cette vie en plein feu, tu m’habitues,Puis tu m’abandonnes — dans la steppe glaceґe!Voila` ce que toi, mon amour, tu m’as fait!Mon amour, a` toi — qu’est-ce que, moi, je t’ai fait?Je sais tout — ne dis pas le contraire!Lucide, a` nouveau — et deґja` plus ta matresse!La` ou` l’Amour ce`de le terrain,La` s’avance la Mort-Jardinier!Seule — pourquoi secouer l’arbre! —L’heure venue la pomme mu re tombera.— Pour tout, pardonne-moi, mon amour —Pour tout ce que je t’ai fait!Ils sont partis — ils s’en sont alleґs —. IlsSont passeґs dans lе camp ou` tout se me le,Dans le camp blanc des migrateurs,Et des pigeons — et des cygnes —,D’eux, et de toi, ma Grandeur,Je parle, — reґponds-moi!Pour les jeunes bois de che ne, qui poussaientVers le ciel — et n’ont pu grandir, pour ceuxQui sont tombeґs et ne se sont pas releveґs, —Pour ceux qui sont alleґs camper dans l’eґterniteґ,Pour toi, notre Honneur,Je geґmis — fais-moi signe!Chaque soir, chaque soir, mes brasVont a` votre rencontre! La`-bas.Dans la vaste eґtendue des colombes —Ils sont nombreux, ceux que j’aime.Je suis depuis trop longtempsDans la Russie des rouges — enle`ve-moi!Je le sais, je mourrai au creґpuscule, ou le matin ou le soir!Auquel des deux, avec lequel des deux — c a ne se commandepas!O s’il eґtait possible que mon flambeau s’eґteigne deux fois!Je suis passeґe sur terre d’un pas de danse! — Fille du ciel!Un tablier plein de roses! — Sans eґcraser les jeunes pousses!Je le sais, je mourrai au creґpuscule, ou le matin ou le soir!Dieu n’enverra pas une nuit d’eґpervier pour mon a me decygne!D’une main douce, j’eґcarterai la croix sans l’embrasser,Je m’eґlancerai dans le ciel geґneґreux pour un dernier salut.La faille du creґpuscule, ou le matin ou le soir — et la coupuredu sourire...— Car me me dans le dernier hoquet je resterai poe`te!Dans les collines — rondes et brunes,Sous les rayons — puissants et poussieґreux,Avec des bottes — heґsitantes et douces —Derrie`re une pelisse — rouge et deґchireґe.Dans les sables — voraces et rouilleґs,Sous les rayons — bru lants et avides,Avec des bottes — heґsitantes et douces —Derrie`re une pelisse — pas a` pas.Dans les vagues — dangereuses et hautes,Sous les rayons — cruels et anciens,Avec des bottes — heґsitantes et douces —Derrie`re une pelisse — menteuse, menteuse.
A Maiakovski
Plus haut que les croix, plus haut que les chemineґes,Baptiseґ par le feu, baptiseґ par la fumeґe,Archange-aux-pieds-lourds —Salut a` toi dans les sie`cles, Vladimir!Il est le cocher, il est aussi le coursier,Il est la toquade, il est aussi la loi.Il soupire, il crache dans ses mains:— Tiens-toi bien, gloire charretie`re!Chantre des miracles sur la place publique,Salut a` toi, orgueilleux salopard,Qui choisit la lourdeur de la pierreEt non la seґduction du diamant.Salut a` toi, tonnerre de paveґs!Il ba ille, il respecte, — et, a` nouveau,Il rame — avec ses brancards — avecSes ailes d’archange charretier.
Louange pour aphrodite
1Bienheureux — ceux qui ont abandonneґ tes filles, Terre,Pour la lutte et pour la course. Bienheureux, —Ceux qui ont peґneґtreґ sur les Champs-ElyseґesSans e tre seґduit par la volupteґ.Le laurier y pousse, feuilles raidies et sobres, —Le laurier — chroniqueur, activiste au combat…— Je n’eґchangerai pas l’aplomb de l’amitieґ,Au-dessus des nuages, contre le foyer de l’amour.
2Deґja` les Dieux — deґja` —, ne te comblent plusSur les rives — deґja` —, d’une autre rivie`re.Vers la grande porte du couchant, versLa porte de Veґnus, volez, colombes!Pour moi, coucheґe sur les sables refroidis,Je me retirerai dans ce jour qui ne se compte pas…Car le serpent regarde sa vieille peau,Car j’ai deґpasseґ ma jeunesse.
Jeunesse
Ma jeunesse! Mon eґtrange`reJeunesse! Ma bottine deґpareilleґe!Les yeux rougis, presque fermeґs,On enle`ve une feuille au calendrier.La muse pensive n’a rien prisSur l’ensemble de ton butin.Ma jeunesse! Je ne te rappelle pas:Tu eґtais une charge et une corveґe.La nuit, tu murmurais pour moi avec ton peigne,La nuit, tu aiguisais tes fle`ches. Tu m’eґtouffaisDe tes largesses, comme sous de petits galets.Et je souffrais pour les peґcheґs des autres.Je te rends ton sceptre avant l’heure,Sans gou t, mon a me, pour les boissons et les mets.Ma jeunesse! Mes deґsordres —Jeunesse! Mon chiffon de vermeil!
Muse
Ni chartes, ni ance tres,Ni faucon clair. ElleMarche — elle s’ouvre, —Lointaine!Sous les paupie`res sombres —L’incendie aux ailes d’or.De sa main, haleґe par le vent,Elle a pris, elle a oublieґ.Le bas de sa robe non retrousseґe,Sarcasme, qui se fa che,Ni bonne ni meґchante,L’une et l’autre, lointaine.Elle ne pleure pas, ne geґmit pas:— Il tire tre`s fort, il est gentil! —De sa main, haleґe par le vent,Elle a donneґ, elle a oublieґ.Elle a oublieґ — ricanementsDe gorge et de cris d’oiseaux...— Dieu, garde-la,Si lointaine!
Amazones
Seins de femmes! Souffle figeґ de l’a me —Essence de femmes! Vague toujours priseAu deґpourvu et qui toujours prendAu deґpourvu — Dieu voit tout!Lice pour les jeux du deґlice ou de la joie,Meґprisables et meґprisants. — Seins de femmes! —Armures qui ce`dent! — Je pense a` elles...L’unique sein, — a` nos amies!...
Cheveux blancs
Ce sont des cendres de treґsors:Des pertes, des offenses.Ce sont des cendres, devant lesquelles —Le granit — tombe en poussie`re.La colombe, nue, lumineuseQui vit seule. Ce sontLes cendres de SalomonSur une grande vaniteґ.Redoutable craieD’un temps sans fin.Ainsi, Dieu me fait signe:— La maison a bru leґ!Non pas le seigneur des re vesEt des jours, pris dans ses hardes,Mais l’esprit — flamme verticale —Qui jaillit des preґcoces cheveux blancs!Vous ne m’avez pas trahie,De mes arrie`res, anneґes!Cette blancheur, c’est la victoireDes forces immortelles!
Emigrant
Vous e tes ici entre vous: maisons, monnaies, fumeґes,Et les femmes, et les ideґes,Sans reґussir a` vous aimer, sans reґussir a` vous unir,Alors, celui-ci ou celui-la`, —Comme Schuman avec le printemps sous son manteau:— Plus haut! Toujours plus haut!Alors, comme le treґmolo en suspens d’un rossignol —Cet eґlu ou tel autre,Le plus craintif —, car vous avez d’abord releveґ la te te,Puis leґcheґ les pieds!Perdu parmi les hernies et les harpies,Dieu, dans les lieux de perdition.Puis un de trop! Il vient d’en-haut! Un ressortissant!Un deґfi! Et qui n’a pas perdu l’habitude... De voirTrop haut... Qui refuse les potences... ParmiLes deґchets de devises et de visas...Un ressortissant.
PoEte
Le poe`te engage son discours de tre`s loin,Son discours engage le poe`te tre`s loin.Et par des plane`tes, des signes, par les fondrie`resDes paraboles deґtourneґes... Entre le oui et le non.Et lui-me me quand il s’envole du clocher,Il brise son crochet... puisque la voie des come`tesEst la voie des poe`tes. Des maillons eґparpilleґsDe la causaliteґ — voila` son bien! Le front leveґVous deґsespeґrez! Les eґclipses des poe`tesNe se repe`rent pas sur le calendrier.Il est celui qui bat les cartes et les fausse,Qui triche sur le poids et sur le compte,Il est celui qui, de sa place, interpelle,Et qui eґcrase la parole de Kant.Dans le cercueil de pierre des Bastilles,Il est comme un arbre dans toute sa beauteґ...Ses traces sont toujours froides, etIl est aussi ce train que tout le mondeManque...— Puisque la voie des come`tes —Est la voie des poe`tes: il bru le, il ne reґchauffe pas,Il brise, il ne construit pas — eґclatement, effraction —,Ton chemin est une ligne courbe aux cheveux longs,Il n’est pas repeґrable sur le calendrier.
Dialogue de Hamlet avec sa conscience
Par le fond, ou` sont le limon...Et les algues... Elle est alleґe dormir,La`, — et pas de sommeil, me me la`!— Mais moi je l’aimais,Plus que quarante mille fre`resNe peuvent l’aimer!— Hamlet!Par le fond, ou` sont le limon...Le limon!... Et sa dernie`re couronneEst venue se poser sur les troncs, la`...Mais, moi, je l’aimais— Plus que quarante mille...MoinsQuand me me, qu’un seul amant.Par le fond, ou` sont le limon...— Mais, moi, je —l’aimais??
La Lettre
On n’attend pas ainsi des lettres,On attend ainsi — une lettre.Un morceau de chiffon,Un filet de colleAutour. A l’inteґrieur — un mot.Du bonheur. — Et — c’est tout.On n’attend pas ainsi le bonheur,On attend ainsi — la fin:Des soldats, une salveEt, dans le cur — troisEclats de plomb. Du rouge aux yeux.Voila`. — Et — c’est tout.Pas le bonheur — je suis vieille!Les couleurs, — chasseґes par le vent!Le carreґ de la courEt le noir des fusils.(Le carreґ d’une lettre:L’encre, l’envou tement!)Pour le sommeil de la mortPersonne n’est vieux!Le carreґ d’une lettre.
Madeleine
1Entre nous: les Dix Commandements:La fournaise de dix bu chers.Le sang des miens me repousse, —Tu es pour moi — le sang eґtranger.Au temps des Evangiles, —J’aurais eґteґ une de celles...(Le sang eґtranger — le plus envieґ,Et le plus eґtranger de tous!)Vers toi, avec tous mes malheurs, —Je serais attireґe, coucheґe humblement —Clarteґ de ce que tu es! — Mes yeuxDe deґmons cacheґs, je verserais les onctions —Et sur tes pieds, et sous tes pieds,Et me me, simplement, dans le sable...Les marchands, la passion vendue,Repousseґe, — elle coule!Par la bave de la bouche, et par l’eґcumeDes yeux, et par la sueur de tous les deґlices.De mes cheveux j’enveloppe tes pieds,Comme dans une fourrure...Comme une quelconque eґtoffe, je m’eґtendsSous tes pieds... Mais, es-tu vraiment celui(Celle!) qui dit a` la creґature aux boucles de feu:Le`ve-toi, sur!
2Le flot du tissu, payeґ trois foisSon prix, et de la sueur des passions,Et des larmes, et des cheveux — le flotEntier coule, coule et LuiFixe d’un regard bienheureuxL’argile rouge et sec, et:Madeleine! Madeleine!Ne t’offre pas ainsi, tellement.
3Je ne vais pas t’interroger sur le chemin —Que tu as suivi: tout eґtait deґja` eґcrit.J’eґtais pieds nus, tu m’as chausseґDe la pluie de tes cheveux et —De tes larmes.Je ne te demande pas, — de quel prixSont payeґes ces huiles.J’eґtais nu, et des formesDe ton corps, toi, — comme d’un mur,Tu m’as entoureґ.Plus calme que l’eau, et plus bas que l’herbe,Je toucherai ta nuditeґ de mes doigts.Je me tenais droit, tu t’es pencheґe vers moi,Tu m’as appris la tendresse de ce geste.Fais-moi une place dans tes cheveux,Serre-moi dans les langes — et qui ne soient pasDe lin — Porteuse d’onctions!A quoi bon toutes ces huiles?A qui bon toutes ces huiles?Tu m’as baigneґComme une vague.Tu m’as aimeґe. La veґriteґEtait fausse. Le mensongeEtait since`re.Tu m’as aime`e — plus qu’on ne peut!Au-dela` des limites!Tu m’as aimeґe plus longtempsQue le temps. — Un revers de main,Et tu ne m’aimes plus:La veґriteґ tient en cinq mots.
Deux