Категории
Самые читаемые

Maigret chez les Flamands - Simenon

Читать онлайн Maigret chez les Flamands - Simenon

Шрифт:

-
+

Интервал:

-
+

Закладка:

Сделать
1 ... 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Перейти на страницу:

Il n’eut pas le temps de lire le nombre de kilomètres. Il plongea seulement le regard dans l’obscurité d’une route transversale. Et il évoqua un beau dimanche, un train bondé de touristes, deux couples : Joseph Peeters et Germaine Piedbœuf… Puis Anna et Gérard…

Il devait faire chaud… Au retour, les voyageurs avaient sans doute les bras chargés de fleurs des champs…

Anna sur la banquette, meurtrie, émue, déroutée, épiant peut-être le regard de l’homme qui venait de changer tout son être ?…

Et Gérard, très gai, enjoué, lançant des plaisanteries, incapable de comprendre ce qu’il y avait de grave, de presque définitif dans l’événement de l’après-midi…

Est-ce qu’il avait essayé de la revoir ? Est-ce que l’aventure avait continué ?

— Non ! se répondait Maigret à lui-même. Anna a compris ! Elle ne s’est pas fait illusion sur son compagnon ! Dès le lendemain, elle a dû l’éviter…

Et il l’imaginait gardant son secret, craignant peut-être des mois durant les suites de cette étreinte, vouant aux hommes, à tous les hommes, une haine farouche.

— Je vous conduis à votre hôtel ?

Déjà Givet, la frontière belge et son douanier de garde en kaki, la frontière française, les péniches, la maison des Flamands, le quai boueux.

Maigret s’étonna de sentir un objet lourd dans sa poche. Il y plongea la main et trouva le marteau auquel il ne pensait plus.

L’inspecteur Machère, qui avait entendu stopper l’auto, était sur le seuil du café et regardait Maigret payer le chauffeur.

— On vous a laissé entrer ?

— Parbleu !

— Cela m’étonne ! Parce que, si vous voulez le fond de ma pensée, je vous dirai que j’étais persuadé qu’elle n’était pas là…

— Où aurait-elle été ?

— Je ne sais pas… Je ne comprends plus… Surtout depuis le marteau… Savez-vous qui vient de venir me trouver ?

— Le marinier ?

Et Maigret, qui était entré dans la salle, commandait un demi, s’asseyait dans le coin proche de la fenêtre.

— Presque !… Enfin, c’est à peu près la même chose… C’est Gérard Piedbœuf qui est venu… J’avais fait le tour des gares en auto… Je n’avais rien trouvé…

— Et il a révélé la cachette de notre homme ?

— Il m’a dit, en tout cas, qu’on l’avait vu prendre le train de 4 h 15 en gare de Givet… C’est le train qui va à Bruxelles…

— Qui l’a vu ?

— Un ami de Gérard… Il a proposé de me l’amener…

— Je mets deux couverts ? s’informa le patron.

— Oui… Non… C’est égal…

Maigret buvait avidement sa bière.

— C’est tout ?

— Vous trouvez que ce n’est pas assez ? Si on l’a vraiment vu à la gare, c’est qu’il n’est pas mort… Et c’est surtout qu’il est en fuite… S’il est en fuite…

— Évidemment !

— Vous pensez la même chose que moi !

— Je ne pense rien du tout, Machère ! J’ai chaud ! J’ai froid ! Je crois que j’ai attrapé un bon rhume… Et je suis en train de me tâter pour savoir si je n’irai pas me coucher sans manger… Encore un demi, garçon !… Ou plutôt non ! Un grog… Avec beaucoup de rhum…

— Elle a vraiment une entorse ?

Maigret ne répondit pas. Il était sombre. On eût même dit qu’il était inquiet.

— En somme, le juge d’instruction a dû te remettre un mandat d’arrêt en blanc ?

— Oui… Mais il m’a conseillé d’être très prudent, à cause de la mentalité des petites villes. Il préfère que je lui téléphone avant de faire quelque chose de définitif.

— Et qu’est-ce que tu vas faire ?

— J’ai déjà télégraphié à la Sûreté de Bruxelles, pour qu’on arrête le marinier à la descente du train. Il faut que je vous demande de me rendre le marteau.

À la grande stupeur des quelques consommateurs, le commissaire tira l’objet de sa poche et le posa sur le marbre de la table.

— C’est tout ?

— Il faudra aussi que vous déposiez, puisque c’est vous qui l’avez trouvé.

— Mais non ! Mais non ! Le marteau, pour tout le monde, c’est toi qui l’as découvert.

Les yeux de Machère brillèrent de joie.

— Je vous remercie. C’est précieux pour l’avancement.

— J’ai mis deux couverts près du poêle ! annonça le patron.

— Merci !… Je vais me coucher !… Je n’ai pas faim…

Et Maigret monta dans sa chambre, après avoir serré la main de son collègue.

Il avait peut-être pris froid en circulant depuis deux jours avec des vêtements humides sur le dos, car il n’avait pas emporté de complet de rechange.

Il se coucha comme un homme harassé. Pendant une bonne demi-heure il lutta contre les images floues qui lui passaient sur la rétine à une cadence fatigante.

Il est vrai que le dimanche matin il était le premier debout. Dans le café, il ne trouva que le garçon qui allumait le percolateur et en remplissait la partie supérieure de café moulu.

La ville dormait encore. L’aube succédait à peine à la nuit et les lampes restaient allumées. Sur le fleuve, par contre, on s’interpellait d’une péniche à l’autre, on se lançait des amarres et un remorqueur allait se placer en tête de la file.

Un nouveau train de bateaux partait vers la Belgique et la Hollande.

Il ne pleuvait pas. Mais la bruine mettait des gouttelettes d’eau sur les épaules.

Les cloches d’une église sonnaient, quelque part. Une lumière à une fenêtre de la maison des Flamands. Puis la porte qu’on ouvrait. Mme Peeters qui la refermait avec soin et s’en allait à pas pressés, un missel gainé de drap à la main.

Maigret passa toute la matinée dehors, n’entrant parfois dans un café que pour avaler un verre d’alcool et se réchauffer. Les gens avertis prétendaient qu’il allait geler et que ce serait une catastrophe pour les régions que la crue avait inondées.

À sept heures et demie, Mme Peeters, retour de la messe, retira les volets de la boutique et, dans la cuisine, alluma son feu.

Vers neuf heures seulement, Joseph se montra un instant sur le seuil, sans faux col, pas encore lavé ni rasé, les cheveux en désordre.

À dix heures, il partit pour la messe avec Anna qui portait un manteau neuf, en drap beige.

Au Café des Mariniers, on ne savait pas encore si un remorqueur dont on attendait l’arrivée accepterait de repartir le jour même avec un train de bateaux, si bien que les mariniers étaient là en permanence, sortant parfois pour regarder le fleuve en aval.

Il était près de midi quand Gérard Piedbœuf sortit de chez lui, en costume du dimanche, chaussé de souliers jaunes, coiffé d’un feutre clair et ganté. Il passa tout près de Maigret. Sa première idée dut être de ne pas lui adresser la parole, de ne pas même le saluer.

Mais il ne résista pas à son désir de crâner, ou de révéler le fond de sa pensée.

— Je vous gêne, n’est-ce pas ?… Ce que vous devez me détester !…

Il avait les yeux battus. Depuis l’algarade du Café de la Mairie, il vivait dans l’inquiétude.

Maigret haussa les épaules, tourna le dos. Et il vit l’accoucheuse qui mettait l’enfant dans une voiture, poussait celle-ci vers le centre de la ville.

Machère ne se montrait pas. Ce ne fut qu’un peu avant une heure que Maigret le rencontra, au Café de la Mairie, précisément. Gérard était à une autre table, avec ses deux compagnes et son ami de l’autre soir.

Machère, lui, était entouré de trois hommes que le commissaire avait l’impression d’avoir déjà vus.

— L’adjoint au maire… Le commissaire de police… Son secrétaire… présenta l’inspecteur.

Tous étaient en costume du dimanche et buvaient des apéritifs anisés. Il y avait trois soucoupes par tête. Machère montrait une assurance anormale.

— Je disais à ces messieurs que l’enquête est à peu près terminée… Cela dépend surtout maintenant de la police belge… Je m’étonne de n’avoir pas encore reçu un télégramme de Bruxelles me disant que le marinier a été arrêté…

— On ne distribue pas les télégrammes le dimanche après onze heures du matin ! affirma l’adjoint au maire. À moins que vous ne vous soyez présenté à la poste… Qu’est-ce qu’on peut vous offrir, monsieur le commissaire ?… Savez-vous qu’on a beaucoup parlé de vous dans le pays ?…

— J’en suis ravi !

— Je veux dire qu’on en a parlé en mal. On a interprété votre attitude comme…

— Un demi, garçon ! Bien frais !

— Vous buvez de la bière à cette heure-ci ?

Marguerite passait dans la rue et l’on sentait à son maintien qu’elle était l’élégante de la ville et qu’elle savait que tous les regards étaient braqués sur elle.

— Ce qui est ennuyeux, c’est que ces affaires de mœurs… Tenez ! Il y a dix ans qu’il n’y en a pas eu à Givet… La dernière fois, c’était un ouvrier polonais qui…

— Vous m’excuserez, messieurs…

Et Maigret se précipita dehors, rejoignit dans la rue principale Anna Peeters et son frère qui marchaient tête haute, comme pour défier la suspicion.

— Je me permettrai d’aller vous voir cet après-midi, comme je vous l’ai annoncé hier…

— Vers quelle heure ?

— Trois heures et demie… Cela vous convient ?…

Et il retourna tout seul, l’air grognon, à son hôtel, où il mangea à une table isolée.

— Vous me demanderez Paris au téléphone.

— Il ne fonctionne pas le dimanche après onze heures.

— Tant pis !

Tout en déjeunant, il lut un petit journal local et un titre l’amusa : Le mystère de Givet s’épaissit.

Pour lui, il n’y avait plus de mystère.

— Vous me remettrez des haricots ! lança-t-il au garçon.

IX

Autour d’un fauteuil d’osier

De tous les petits rites familiaux du dimanche, celui qui frappa le plus Maigret, ce fut le fait de transporter de la cuisine au salon le fauteuil d’osier du vieux Peeters.

En semaine, la place du fauteuil, et par conséquent du vieillard, était près du fourneau. Même si l’on recevait du monde dans la salle à manger, Peeters ne se montrait pas.

Mais il y avait une place du dimanche, près de la fenêtre donnant sur la cour. La pipe en écume, au long tuyau de merisier, était sur l’appui de fenêtre, près d’un pot de tabac.

Installé dans un fauteuil plus petit, en cuir, le docteur Van de Weert, face au feu de boulets, croisait ses jambes grassouillettes.

Tandis qu’il lisait le rapport du médecin légiste belge, il ne cessait de dodeliner de la tête, d’approuver, de s’étonner, d’esquisser pour lui seul de menus gestes.

Enfin il tendit le rapport à Maigret. Marguerite, qui se trouvait entre eux, voulut le prendre.

— Non ! pas toi… intervint Van de Weert.

— Cela vous intéresse sans doute davantage ! dit Maigret en passant les feuillets à Joseph Peeters.

Ils étaient tous autour de la table : Joseph et Marguerite, Anna et sa mère qui se levait de temps en temps pour aller surveiller le café.

À la mode belge, le docteur buvait du bourgogne en fumant un cigare dont il promenait sans cesse le bout allumé sous son menton.

Sur la table de la cuisine, Maigret avait vu en passant une demi-douzaine de tartes préparées.

— Un bon rapport, évidemment… Par exemple, il ne dit pas si… si…

Il regarda sa fille d’un air embarrassé.

— Vous comprenez ce que je veux dire… Il ne dit pas si…

— S’il y a eu viol ! lâcha Maigret tout à trac.

Et il faillit éclater de rire en voyant la mine scandalisée du docteur, qui n’imaginait pas que des mots pareils pussent être prononcés.

— Cela aurait été intéressant à savoir, car dans des cas pareils… Tenez ! en 1911…

Il continua à parler, racontant, avec de décentes périphrases, une affaire quelconque. Mais le commissaire ne l’écoutait pas. Il regardait Joseph Peeters qui lisait le document.

Or, celui-ci faisait, sans ménagement aucun, une description minutieuse du cadavre de Germaine Piedbœuf tel qu’il avait été retiré de la Meuse.

Joseph était pâle. Il avait les narines pincées, ce qui lui était commun avec sa sœur Maria.

On aurait pu croire qu’il allait abandonner sa lecture, rendre les papiers à Maigret. Mais il n’en fut rien. Il alla jusqu’au bout. Comme il tournait la page, Anna, qui était penchée sur son épaule, l’arrêta :

— Attends…

Elle avait encore trois lignes à lire. Puis tous deux commencèrent ensemble la page suivante qui débutait par :

… l’ouverture de la boîte crânienne était telle qu’il a été impossible de retrouver la moindre parcelle de cervelle…

 

— Vous voulez prendre votre verre, monsieur le commissaire ? Je vais mettre la table…

Et Mme Peeters posait le cendrier, les cigares et la carafe de genièvre sur la cheminée, étalait sur la table une nappe brodée à la main.

Ses enfants lisaient toujours. Marguerite les regardait avec envie. Quant au docteur, il s’était aperçu qu’on ne l’écoutait pas et il fumait en silence.

À la fin de la deuxième page, Joseph Peeters était livide, avec un creux sombre de chaque côté du nez, des moiteurs aux tempes. Il oublia de tourner le feuillet et Anna dut le faire, fut seule à poursuivre jusqu’au bout sa lecture.

Marguerite en profita pour se lever, toucher l’épaule du jeune homme.

— Mon pauvre Joseph !… Tu n’aurais pas dû… Crois-moi : va prendre l’air un instant…

Maigret en profita.

— C’est une idée ! J’ai besoin de me dégourdir les jambes, moi aussi…

Un peu plus tard, ils étaient tous les deux sur le quai, nu-tête. Il ne pleuvait plus. Quelques pêcheurs à la ligne profitaient des moindres espaces libres entre les péniches. On entendait, de l’autre côté du pont, la sonnerie ininterrompue d’un cinéma.

Nerveusement, Peeters alluma une cigarette, le regard perdu sur la face fuyante de l’eau.

— Cela vous fait quelque chose, n’est-ce pas ?… Excusez ma question… Est-ce que, maintenant, vous comptez épouser Marguerite ?…

Le silence dura longtemps. Joseph évitait de se tourner vers Maigret, qui ne voyait que son profil. Enfin il regarda la porte de la boutique, décorée de réclames transparentes, puis le pont, puis encore la Meuse.

— Je ne sais pas…

— Pourtant, vous l’aimiez…

— Pourquoi m’avez-vous fait lire ce rapport ?

Et il se passa la main sur le front. Il la retira mouillée, malgré le froid de l’air.

— Est-ce que Germaine était beaucoup moins jolie ?

— Taisez-vous… Je ne sais pas… J’ai tellement entendu répéter que Marguerite est belle, qu’elle est fine, intelligente, bien élevée…

— Et maintenant ?

— Je ne sais pas…

Il n’avait pas envie de parler. Il n’articulait les mots qu’à contrecœur, parce qu’il lui était impossible de se taire tout à fait. Il avait déchiré le papier de sa cigarette.

1 ... 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Перейти на страницу:
На этой странице вы можете бесплатно скачать Maigret chez les Flamands - Simenon торрент бесплатно.
Комментарии
Открыть боковую панель
Комментарии
Сергій
Сергій 25.01.2024 - 17:17
"Убийство миссис Спэнлоу" от Агаты Кристи – это великолепный детектив, который завораживает с первой страницы и держит в напряжении до последнего момента. Кристи, как всегда, мастерски строит